Les manifestations pour le climat, particulièrement en Europe, adoptent des formes de plus en plus directes et conflictuelles. Des actions spectaculaires, comme des tentatives d'arrestation citoyenne de dirigeants d'entreprise, marquent un tournant dans les stratégies des militants, tandis qu'aux États-Unis, le débat se déplace sur le terrain juridique et politique.
Cette intensification des tactiques soulève des questions sur l'efficacité de la protestation, la liberté d'expression et la réponse des institutions face à l'urgence climatique perçue par une partie croissante de la population.
Points Clés
- Les manifestations pour le climat en Europe deviennent plus conflictuelles, avec des actions visant directement les dirigeants d'entreprise.
- Des militants au Royaume-Uni ont tenté de procéder à des "arrestations citoyennes" de PDG de compagnies des eaux.
- Aux États-Unis, les protestations prennent une forme différente, avec des actions ciblées contre des think tanks conservateurs et la création de listes de "criminels climatiques".
- Une bataille juridique intense oppose les États et les entreprises du secteur de l'énergie, avec des dizaines de procès visant à obtenir des compensations financières.
- L'Union européenne prépare des directives qui pourraient imposer des contraintes de neutralité carbone aux entreprises américaines opérant sur son territoire.
L'escalade des tactiques militantes en Europe
Le visage de l'activisme climatique en Europe a changé. Les marches pacifiques, bien que toujours présentes, sont de plus en plus complétées par des actions conçues pour perturber et attirer l'attention des médias et des décideurs. Cette évolution reflète un sentiment d'urgence et de frustration croissant chez les militants.
Au Royaume-Uni, des groupes de militants ont franchi une nouvelle étape en tentant de placer des dirigeants d'entreprise sous "arrestation citoyenne". En octobre, Mark Thurston, le PDG de la compagnie des eaux Anglian Water, a été encerclé près d'une gare à Londres par des militantes l'accusant de "nuisance publique" liée aux déversements d'eaux usées. Quelques mois plus tôt, en mars, les dirigeants de Thames Water avaient fait face à une tentative similaire.
Des actions symboliques fortes
Ces dernières années ont été marquées par des gestes spectaculaires. En 2024, de la soupe a été lancée sur la vitre protégeant la Joconde au Louvre pour protester contre l'insécurité alimentaire. En 2023, la Porte de Brandebourg à Berlin a été aspergée de peinture orange pour exiger l'abandon des énergies fossiles d'ici 2030. Ces actions, bien que souvent non violentes, sont perçues comme de plus en plus agressives.
Selon Diana Furchtgott-Roth, directrice du Centre pour l'énergie, le climat et l'environnement à la Heritage Foundation, cette tendance à la confrontation s'est accentuée depuis le début du 21e siècle. Elle suggère que l'accès généralisé à Internet a facilité la coordination entre les militants et a contribué à radicaliser le discours en ligne, qui se traduit ensuite par des actions sur le terrain.
Une approche différente aux États-Unis
Bien que les manifestations pour le climat aux États-Unis n'aient pas atteint le même niveau de confrontation physique qu'en Europe, elles ont également gagné en intensité. Les actions se concentrent davantage sur le ciblage d'organisations et d'individus perçus comme des obstacles à l'action climatique.
Des groupes de réflexion conservateurs, comme la Heritage Foundation à Washington, D.C., sont devenus des cibles régulières. L'organisation a dû renforcer sa sécurité pour faire face à des manifestations quasi permanentes à toutes les entrées de son bâtiment.
La désignation de "criminels climatiques"
Une autre tactique consiste à créer et diffuser publiquement des listes de "criminels climatiques". Un répertoire en ligne identifie des dizaines de personnes, allant de responsables de l'administration Trump à des PDG de compagnies pétrolières, comme ayant joué un rôle dans la "destruction du climat".
Le site web précise qu'il ne prône pas la violence, mais encourage plutôt le "témoignage et la protestation non violents dans le but de promouvoir des changements de comportement légaux et volontaires".
Cette approche vise à exercer une pression publique et morale sur les individus identifiés, en les tenant personnellement responsables de la crise climatique. Certains reçoivent même des titres spécifiques, comme les "Oilgarchs", membres du cabinet Trump liés à l'industrie des combustibles fossiles.
La bataille se déplace sur le terrain juridique
Aux États-Unis, le front le plus actif de la lutte climatique est désormais judiciaire. Des dizaines de poursuites ont été engagées par des États et des municipalités contre de grandes entreprises du secteur de l'énergie, telles qu'Exxon et Suncor Energy.
Une vague de litiges climatiques
Des États comme le Colorado, le Massachusetts, New York et le Delaware ont lancé des actions en justice pour réclamer des milliards de dollars de dommages et intérêts. Ils accusent les entreprises d'avoir sciemment minimisé les risques liés aux combustibles fossiles, contribuant ainsi aux coûts des catastrophes climatiques.
Cette offensive judiciaire est perçue par certains législateurs républicains comme une menace existentielle pour l'industrie énergétique américaine. En octobre, des dizaines de membres de la Chambre des représentants, menés par le chef de la majorité Steve Scalise, ont signé un mémoire auprès de la Cour suprême.
Ils demandent à la plus haute juridiction du pays de mettre fin à ces poursuites, arguant que la régulation des émissions de gaz à effet de serre relève de la compétence du gouvernement fédéral et non des États. Selon eux, ces procès pourraient "mettre en faillite" l'industrie énergétique et compromettre la sécurité nationale.
La pression réglementaire internationale s'accentue
Au-delà des manifestations et des procès, les entreprises américaines font face à une pression croissante de la part de l'Union européenne. De nouvelles directives, telles que la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), pourraient avoir des conséquences importantes.
Selon Diana Furchtgott-Roth, cette directive imposera, à partir de 2029, à toute entreprise réalisant un chiffre d'affaires de plus de 500 millions de dollars dans l'UE de se conformer à des objectifs de neutralité carbone. Cela inclut l'obligation de déclarer non seulement leurs propres émissions, mais aussi celles de leurs sous-traitants, une tâche jugée extrêmement complexe.
Cette mesure est perçue comme une tentative de l'UE d'imposer ses normes climatiques à l'échelle mondiale, affectant directement la souveraineté économique et réglementaire américaine. Les entreprises qui ne parviendraient pas à fournir des données précises s'exposeraient à de lourdes amendes.
Entre des militants de plus en plus déterminés, une guerre juridique acharnée et des réglementations internationales contraignantes, le débat sur le climat est entré dans une nouvelle phase, où la confrontation directe et la pression économique remplacent progressivement le dialogue et la négociation.



