Le premier ministre Mark Carney a indiqué vendredi que l'avenir du plafond d'émissions pour les producteurs de pétrole et de gaz dépend des efforts globaux de réduction des émissions. Cette déclaration suggère une possible ouverture à l'abandon de cette politique, marquant un changement par rapport à son engagement antérieur cette année.
Interrogé à Ottawa sur la possibilité de supprimer le plafond d'émissions et l'interdiction de la circulation des pétroliers le long de la côte de la Colombie-Britannique – deux mesures que l'industrie pétrolière et gazière et le gouvernement de l'Alberta réclament –, M. Carney a répondu : « Cela dépend. » Il a ensuite expliqué l'objectif de son gouvernement de réduire les émissions des secteurs de l'énergie, des mines et de la fabrication pour améliorer leur compétitivité mondiale.
Points Clés
- Le premier ministre Carney envisage de revoir le plafond d'émissions sur le pétrole et le gaz.
- L'industrie et l'Alberta demandent l'abrogation du plafond et de l'interdiction des pétroliers.
- Le gouvernement fédéral privilégie les résultats en matière de réduction des émissions.
- Des discussions sont en cours avec l'Alberta sur un "grand compromis" incluant des pipelines.
- Le secteur pétrolier et gazier a vu ses émissions augmenter de 1,9 % l'an dernier.
Un changement de position sur le plafond d'émissions
En mars, le premier ministre Carney avait affirmé son intention de maintenir le plafond d'émissions. Cependant, il a toujours exprimé le désir de trouver d'autres méthodes pour réduire les émissions nationales. La position récente reflète une flexibilité potentielle face aux pressions de l'industrie et des provinces.
Le plafond d'émissions, qui doit entrer en vigueur en 2030, exige que les opérations pétrolières et gazières en amont réduisent leurs émissions à 35 % en dessous des niveaux de 2019. Les projets de réglementation ont été déposés l'année dernière, avec un retard de deux ans par rapport au calendrier initial.
Fait notable
Le secteur pétrolier et gazier représente environ 30 % du total des émissions de gaz à effet de serre du Canada. C'était le seul secteur à enregistrer une augmentation de ses émissions l'année dernière, soit une hausse de 1,9 %, compensant ainsi les réductions des autres secteurs, selon un rapport de septembre de l'Institut climatique canadien.
Objectifs climatiques et réalité canadienne
En vertu de l'accord de Paris sur le climat, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions d'ici 2030 à au moins 40 % en dessous de leur niveau de 2005. Toutefois, M. Carney et ses ministres ont souvent éludé les questions concernant cet objectif, se concentrant plutôt sur l'objectif canadien d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
De multiples études suggèrent que le Canada n'est pas en voie d'atteindre sa cible de 2030. Les émissions actuelles sont environ 8,5 % inférieures à celles de 2005, ce qui est loin de l'objectif de 40 %.
« Ce qui intéresse ce gouvernement, ce sont les résultats, pas les objectifs », a déclaré le premier ministre Carney, soulignant l'importance de l'efficacité des mesures.
Contexte des objectifs climatiques
Le plafond d'émissions fait partie du plan canadien pour atteindre ses objectifs climatiques. La réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier est jugée cruciale pour la performance environnementale globale du pays.
Discussions avec l'Alberta et le "grand compromis"
Le premier ministre Carney a affirmé être en « discussions constructives » avec la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith. Mme Smith a demandé l'abrogation du plafond d'émissions et de l'interdiction des pétroliers, ainsi que d'autres réglementations environnementales qu'elle qualifie de « mauvaises lois ».
Au cours des derniers mois, les deux dirigeants ont évoqué un « grand compromis ». Ce compromis lierait le désir de l'Alberta de construire un pipeline vers la côte de la Colombie-Britannique à la réalisation du projet de captage de carbone de l'Alliance Pathways. Mme Smith espère qu'un accord sera conclu d'ici la mi-novembre et qu'une proposition sera soumise au Bureau des grands projets d'ici le printemps.
Soutien aux projets d'infrastructure
Interrogé vendredi sur son soutien à un nouveau pipeline vers la côte ouest, M. Carney a déclaré que le gouvernement croit aux « projets d'édification nationale ». Cela inclut les projets énergétiques conventionnels, mais ils doivent présenter des avantages économiques substantiels, être compatibles avec les objectifs climatiques et apporter des bénéfices aux peuples autochtones.
- Avantages économiques : Les projets doivent générer des retombées positives significatives pour l'économie.
- Objectifs climatiques : Ils doivent s'aligner sur les engagements environnementaux du Canada.
- Bénéfices autochtones : Les communautés autochtones doivent tirer des avantages directs de ces développements.
« Cela dépend de tous ces éléments, et ce gouvernement s'engagera avec les propositions qui ont la possibilité ou la perspective de les réaliser », a-t-il précisé.
Obstacles et désaccords interprovinciaux
La première ministre Smith et les leaders de l'industrie ont maintes fois répété qu'aucun projet de pipeline n'est viable tant que le plafond d'émissions et l'interdiction des pétroliers restent en place. Greg Ebel, PDG d'Enbridge, a déclaré la semaine dernière que son entreprise ne construirait pas de « pipeline vers nulle part », faisant référence à l'incapacité de l'industrie à exporter du pétrole depuis la côte de la Colombie-Britannique en raison de l'interdiction des pétroliers.
La situation est compliquée par une récente querelle entre Mme Smith et le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, David Eby. M. Eby a déclaré mardi que le plan de pipeline de Mme Smith menaçait le soutien communautaire et la « licence sociale » qui permettraient à d'autres grands projets le long de la côte d'avancer.
Selon M. Eby, abroger l'interdiction des pétroliers risquerait de perturber le « fragile consensus » actuel sur le développement des ressources, un consensus qu'il espère renforcer. Mme Smith a riposté aux commentaires de M. Eby, les qualifiant d'« anti-canadiens et inconstitutionnels ».
Débat au Sénat
La dispute interprovinciale a été soulevée lors de la période de questions au Sénat jeudi. Le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Tim Hodgson, a été interrogé sur les plans d'Ottawa pour faire avancer un projet de pipeline. La sénatrice Yonah Martin, une conservatrice de la Colombie-Britannique, a demandé :
« Comment votre gouvernement peut-il prétendre faire du Canada une superpuissance énergétique tout en bloquant toutes les routes vers l'océan ? »
Le gouvernement fédéral détient l'autorité constitutionnelle pour réglementer les pipelines interprovinciaux. M. Hodgson a souligné que tout projet nécessite le soutien de la juridiction où il est construit. Il a ajouté que l'Alberta a besoin du soutien de la Colombie-Britannique si elle veut construire.
« Cela se passe entre la province de l'Alberta et la province de la Colombie-Britannique », a dit M. Hodgson. « Nous avons affirmé que nous serions un participant constructif à cette discussion à trois. La province de l'Alberta a du travail à faire. »
Alternatives et perspectives futures
Une autre voie pour les exportations de pétrole de l'Alberta pourrait être envisagée. Lors de sa rencontre avec le président américain Donald Trump à Washington plus tôt cette semaine, M. Carney a suggéré l'idée de relancer le pipeline Keystone XL. Cela se ferait en échange d'un allègement pour les secteurs canadiens de l'acier et de l'aluminium. Cependant, des critiques estiment que même le plan Keystone XL ferait face à des obstacles si le gouvernement ne cède pas sur le plafond d'émissions.
« Peu importe si vous pouvez construire un pipeline si vous ne pouvez rien y faire passer », a déclaré le député conservateur Andrew Scheer aux journalistes à Ottawa mercredi.
La situation souligne la complexité des enjeux énergétiques et environnementaux au Canada, où les objectifs climatiques doivent être conciliés avec les intérêts économiques provinciaux et industriels. Les prochaines semaines seront déterminantes pour l'orientation des politiques énergétiques du pays.





