L'Organisation Maritime Internationale (OMI) se prépare à une session extraordinaire cruciale pour le transport maritime mondial. Les délégations des États membres doivent voter sur le Cadre Zéro Émission Nette (NZF), un plan ambitieux visant à décarboniser le secteur d'ici 2050. Ce vote intervient dans un contexte de division profonde au sein de l'industrie, entre ceux qui appellent à une action rapide et unifiée, et ceux qui craignent des charges financières excessives.
La décision de l'OMI aura des répercussions majeures sur l'avenir du commerce maritime, influençant les investissements dans les carburants alternatifs et l'infrastructure verte. La pression monte alors que certains acteurs estiment que l'absence d'un cadre mondial pourrait entraîner des régulations régionales fragmentées, complexifiant la transition énergétique.
Points Clés
- L'OMI vote sur un cadre de décarbonisation pour atteindre zéro émission nette d'ici 2050.
- Sept associations d'armateurs majeures soutiennent le cadre pour une régulation mondiale.
- Un groupe d'armateurs influents, dont John Fredriksen et des géants grecs, s'oppose au cadre actuel.
- Le Cadre Zéro Émission Nette inclut une taxe carbone mondiale et des normes de carburant.
- Les États-Unis s'opposent fermement au cadre, menaçant de mesures de rétorsion.
Des Appels à l'Unité Face aux Divisions
Sept associations d'armateurs influentes, représentant le Japon, la Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas et Singapour, ont lancé un appel conjoint. Elles exhortent les gouvernements à approuver le plan de décarbonisation mondial de l'OMI. Selon ces associations, l'adoption du Cadre Zéro Émission Nette (NZF) serait une étape historique pour la régulation climatique mondiale.
Elles mettent en garde contre le risque de fragmentation réglementaire. Sans un cadre mondial, l'industrie pourrait se retrouver avec un "patchwork compliqué de réglementations climatiques régionales". Cela pourrait freiner la transition énergétique et perturber le commerce mondial en créant des conditions de marché inégales.
« L'adoption du Cadre Zéro Émission Nette serait un jalon majeur pour la régulation climatique mondiale », ont déclaré les associations dans un communiqué commun. « Tout autre résultat représenterait un recul significatif pour la transition verte et risquerait de laisser l'industrie face à un ensemble complexe de réglementations climatiques régionales. »
Le Cadre Zéro Émission Nette (NZF)
Le NZF propose une taxe carbone mondiale et une norme de carburant pour atteindre zéro émission nette d'ici 2050. Il prévoit également la création d'un Fonds Zéro Émission Nette. Ce fonds récompenserait la conformité et financerait les infrastructures vertes nécessaires à la transition.
Les Réserves de l'Industrie et les Obstacles Techniques
Malgré le soutien général à l'ambition du cadre, des organisations comme INTERTANKO, l'organisation mondiale des transporteurs de pétrole, appellent à une approche plus nuancée. Emma Scheiris, directrice adjointe d'INTERTANKO pour l'environnement, souligne que le débat est devenu "polarisé". Elle insiste sur la nécessité de maintenir "toutes les voies de transition" pour le passage à long terme vers des carburants à zéro ou quasi zéro émission.
Scheiris a identifié plusieurs défis techniques non résolus. Parmi eux, l'absence d'un système mondial de certification des carburants durables et le besoin de méthodologies solides d'évaluation du cycle de vie (ACV). Elle a également mentionné la nécessité d'une comptabilisation claire des sources d'énergie non-combustibles, comme la propulsion éolienne.
Contexte de la Réglementation Maritime
Le transport maritime représente environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L'OMI, l'agence des Nations Unies responsable de la sécurité et de la prévention de la pollution marine, cherche à établir des règles mondiales pour réduire cet impact. Une réglementation unifiée est jugée essentielle pour éviter une concurrence déloyale et des distorsions de marché.
L'Opposition des Grands Armateurs et des États-Unis
Un groupe influent d'armateurs majeurs s'est prononcé contre le cadre dans sa forme actuelle. Ce groupe comprend des noms comme Frontline de John Fredriksen, TMS Group de George Economou, Capital Maritime d'Evangelos Marinakis, le groupe Angelicoussis et le transporteur national saoudien Bahri. Ils avertissent que le cadre pourrait "imposer des charges financières excessives à l'industrie et aux consommateurs".
Cette opposition, coordonnée lors de la London International Shipping Week le mois dernier, inclut également Dynacom, GasLog, Seapeak et Stolt Tankers. Ensemble, ces entreprises représentent une part significative des flottes mondiales de pétroliers et de transporteurs de gaz.
« En l'état actuel, nous ne pensons pas que le NZF de l'OMI soutiendra efficacement la décarbonisation de l'industrie maritime ni n'assurera des conditions équitables comme prévu », a déclaré le groupe, demandant des « amendements critiques » avant l'adoption.
Le ministre grec de la Marine, Vassilis Kikilias, a partagé ces préoccupations. Il a déclaré au secrétaire général de l'OMI, Arsenio Dominguez, que des "changements sont essentiels" avant que le cadre ne puisse être accepté. Malgré cela, Dominguez s'est montré confiant quant à l'adoption du cadre, citant les antécédents de coopération de l'organisation.
Le Rôle Crucial des États Indécis
Normalement, l'OMI privilégie le consensus. Cependant, des sources à Londres indiquent qu'un vote formel est de plus en plus probable. Pour être adopté sans consensus, le cadre nécessitera une majorité des deux tiers, soit 108 des 176 États membres ayant ratifié la Convention MARPOL Annexe VI.
Les États-Unis restent fermement opposés au cadre. Washington a quitté la session du MEPC en avril et a depuis menacé de mesures de rétorsion. Ces mesures pourraient inclure des tarifs douaniers, des taxes portuaires et des restrictions de visa pour les pays soutenant l'accord. Les analystes estiment que le vote pourrait dépendre d'un petit nombre d'États indécis, notamment en Asie du Sud-Est, au Moyen-Orient et en Amérique latine, où les alignements politiques et économiques sont fluctuants.
L'Importance d'une Régulation Mondiale
La Coalition 'Getting to Zero', qui regroupe plus de 180 entreprises et certains des plus grands armateurs mondiaux, a appelé à l'adoption rapide du cadre. Elle avertit qu'une "incertitude prolongée pourrait mettre en péril de très gros investissements" essentiels pour l'avenir du commerce mondial. L'absence de directives réglementaires mondiales augmenterait les coûts de la transition à long terme, des coûts qui seraient supportés par l'industrie, les pays et les consommateurs.
Les Conséquences d'un Échec
Patrick Verhoeven, directeur général de l'Association Internationale des Ports et Havres (IAPH), a également insisté sur l'urgence d'une décision. Il a averti qu'un échec à adopter le cadre "créerait une incertitude absolue en matière d'investissement". Selon lui, cela rendrait "impossible" l'atteinte des objectifs de zéro émission nette de l'OMI.
La semaine prochaine, les résultats clés de cette réunion cruciale de l'OMI seront attentivement suivis par l'ensemble du secteur maritime et les observateurs internationaux. La décision aura des implications durables pour la durabilité environnementale et la stabilité économique du transport maritime.





