Les plans actuels des gouvernements pour la production de combustibles fossiles risquent de compromettre les objectifs de l'Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique. Un nouveau rapport révèle que ces projets de production dépassent largement les niveaux nécessaires pour maintenir l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C, voire 2°C, d'ici 2030.
Les principales nations productrices de combustibles fossiles, responsables d'une part significative de l'approvisionnement mondial, continuent d'investir massivement dans le pétrole, le gaz et le charbon. Cette trajectoire contredit directement les engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de transition énergétique.
Points Clés
- Les plans de production de combustibles fossiles dépassent de 120 % les niveaux compatibles avec l'objectif de 1,5°C.
- Le "fossé de production" a augmenté depuis 2023, avec des prévisions accrues pour le charbon et le gaz.
- Vingt pays majeurs, représentant 80 % de la production mondiale, continuent de soutenir financièrement les combustibles fossiles.
- Malgré des engagements de transition, de nombreux pays manquent de plans concrets pour réduire leur dépendance.
- L'adoption généralisée des énergies renouvelables et la gestion de la demande sont essentielles.
Un fossé croissant entre plans et objectifs climatiques
Le rapport, fruit d'une collaboration entre le Stockholm Environment Institute (SEI), Climate Analytics et l'International Institute for Sustainable Development (IISD), évalue les projets de production de charbon, de pétrole et de gaz des gouvernements. Il compare ces projections aux niveaux de production mondiale nécessaires pour s'aligner sur l'objectif de température de l'Accord de Paris.
Selon les conclusions, les gouvernements prévoient de produire près de 120 % de combustibles fossiles supplémentaires d'ici 2030 par rapport aux niveaux requis pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Pour l'objectif moins strict de 2°C, les plans actuels impliquent 77 % de production en plus.
Chiffres Clés
- 120 %: Excédent de production de combustibles fossiles prévu pour 2030 par rapport à l'objectif de 1,5°C.
- 77 %: Excédent de production par rapport à l'objectif de 2°C.
- 20 pays: Analysés, responsables de 80 % de la production mondiale.
- 7 %: Augmentation des prévisions de production de charbon pour 2030 depuis 2023.
- 5 %: Augmentation des prévisions de production de gaz pour 2030 depuis 2023.
L'évolution du "fossé de production"
Le concept de "fossé de production" a été évalué pour la dernière fois en 2023. À cette époque, l'écart était de 110 % au-dessus de la trajectoire de réchauffement de 1,5°C et de 69 % au-dessus de celle de 2°C. Les données de 2025 montrent une aggravation de cette situation.
Les pays prévoient désormais d'accroître davantage leur production de charbon et de gaz. Par exemple, la production de charbon prévue pour 2030 est 7 % plus élevée que les estimations précédentes, et celle de gaz est 5 % plus élevée. Ces augmentations indiquent une tendance contraire aux efforts de décarbonisation.
"Alors que de nombreux pays se sont engagés dans une transition vers une énergie propre, beaucoup d'autres semblent rester bloqués sur un modèle dépendant des combustibles fossiles, prévoyant même une production plus importante qu'il y a deux ans", déclare Derik Broekhoff, auteur principal et directeur du programme de politique climatique au Centre américain du SEI.
Analyse des principaux producteurs mondiaux
L'étude a examiné 20 pays majeurs producteurs de combustibles fossiles: l'Australie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Colombie, l'Allemagne, l'Inde, l'Indonésie, le Kazakhstan, le Koweït, le Mexique, le Nigeria, la Norvège, le Qatar, la Fédération de Russie, l'Arabie Saoudite, l'Afrique du Sud, les Émirats Arabes Unis, le Royaume-Uni et les États-Unis. Ensemble, ces nations sont responsables de 80 % de la production mondiale de combustibles fossiles.
Le rapport indique que ces 20 pays continuent d'apporter un soutien financier et politique substantiel à la production générale de combustibles fossiles. Plus de la moitié d'entre eux envisagent d'augmenter significativement leur production de gaz.
Contexte de l'Accord de Paris
L'Accord de Paris, adopté en 2015, vise à maintenir l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence à limiter l'augmentation à 1,5°C. Pour atteindre cet objectif, les nations doivent réduire drastiquement leurs investissements et leur dépendance aux combustibles fossiles et accélérer le déploiement des énergies renouvelables.
Des transitions énergétiques hétérogènes
Certains pays, comme l'Australie, la Colombie, l'Indonésie et le Kazakhstan, considèrent le gaz comme un "combustible de transition". Cependant, le rapport note un manque de plans explicites et concrets pour effectuer cette transition. L'absence de stratégies claires soulève des questions sur la capacité de ces nations à s'éloigner des énergies fossiles.
En revanche, six pays ont établi des objectifs plus alignés avec les cibles nationales et mondiales de zéro émission nette. En Europe, l'Allemagne prévoit une élimination rapide de la production de charbon. La Chine, quant à elle, déploie des technologies renouvelables à un rythme "sans précédent", ayant déjà atteint son objectif de capacité solaire et éolienne pour 2030. La Colombie et le Brésil ont également adopté des programmes de transition énergétique.
- Allemagne: Plan d'élimination rapide du charbon.
- Chine: Déploiement massif d'énergies renouvelables, objectifs 2030 déjà atteints pour le solaire et l'éolien.
- Colombie et Brésil: Adoption de programmes de transition énergétique.
Appels à une action plus forte
Malgré les avancées de certains, l'adoption et la mise en œuvre de ces politiques doivent être beaucoup plus généralisées pour avoir un impact significatif sur le climat mondial. Les auteurs du rapport soulignent l'urgence d'une action concertée.
Emily Ghosh, également auteur principal et directrice du programme Equitable Transitions au SEI US, insiste sur la nécessité d'engagements fermes. "Les gouvernements doivent s'engager à développer les énergies renouvelables, à éliminer progressivement les combustibles fossiles, à gérer la demande d'énergie et à mettre en œuvre des transitions énergétiques centrées sur la communauté pour s'aligner sur les obligations de l'Accord de Paris", affirme-t-elle.
Elle ajoute que "sans ces engagements, tout retard supplémentaire dans l'action entraînera des émissions additionnelles et aggravera les impacts climatiques sur les populations les plus vulnérables du monde." La fenêtre d'opportunité pour limiter les conséquences les plus graves du changement climatique se réduit rapidement.
Le rapport de 2025 projette qu'en regardant vers 2050, la production totale de combustibles fossiles prévue est 4,5 fois supérieure à ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C, et 2,5 fois supérieure à ce qui est requis pour une limite de 2°C. Ces chiffres mettent en lumière l'ampleur du défi et l'écart persistant entre les paroles et les actes en matière de politique climatique mondiale.





