L'industrie sidérurgique du Bangladesh est responsable d'environ 10 % des émissions totales de carbone du pays, une situation qui pousse les experts et les responsables politiques à réclamer des réformes urgentes. Lors d'une table ronde à Dacca, des spécialistes ont souligné la nécessité d'adopter des technologies plus propres et de mettre à jour les réglementations pour concilier croissance industrielle et impératifs environnementaux.
Points Clés
- L'industrie de l'acier représente 10 % des émissions de carbone totales du Bangladesh.
- Les experts appellent à l'adoption de l'acier raffiné et des technologies de four à arc électrique (EAF).
- Les codes de construction obsolètes freinent l'utilisation de matériaux plus résistants et durables.
- Une mise en garde est lancée contre le "greenwashing", appelant à des changements réels plutôt qu'à une simple image de marque écologique.
Un secteur industriel au lourd bilan carbone
Le secteur de l'acier, pilier du développement économique et des infrastructures du Bangladesh, est aujourd'hui confronté à son impact environnemental. Les données révèlent qu'il génère à lui seul près de 10 % de l'ensemble des émissions de dioxyde de carbone du pays. Ce chiffre place l'industrie au centre des débats sur la transition écologique nationale.
Lors d'une discussion organisée conjointement par The Business Standard et Abul Khair Steel, la conseillère pour l'environnement, Syeda Rizwana Hasan, a insisté sur l'urgence d'une transformation profonde. Elle a mis en garde contre les solutions de façade, déclarant que le simple fait de "peindre les choses en vert" ne suffit pas à instaurer une véritable durabilité.
Un poids significatif
À l'échelle mondiale, la production d'acier et de ciment est responsable d'environ 18 % des émissions de CO₂, ce qui souligne l'importance d'innover dans ces secteurs pour atteindre les objectifs climatiques.
La technologie comme levier de changement
Face à ce défi, l'innovation technologique apparaît comme une voie incontournable. Plusieurs entreprises locales ont déjà commencé à investir dans des procédés plus respectueux de l'environnement, mais ces efforts restent encore limités à l'échelle de l'industrie.
L'efficacité du four à arc électrique
L'une des technologies clés est le four à arc électrique (EAF). Ce procédé, qui utilise de la ferraille recyclée plutôt que du minerai de fer, réduit considérablement les émissions. Abul Khair Steel a été un pionnier en installant le premier EAF du pays en 2015. Plus récemment, GPH Ispat a adopté une version encore plus avancée, le Quantum Electric Arc Furnace (Q-EAF), qui permettrait d'économiser 235 kg de carbone par tonne d'acier produite.
Sharmin Sultan Joya, directrice des ressources humaines chez GPH Ispat, a rappelé que le ministère de l'Environnement avait identifié dès 2020 le secteur de l'acier comme un domaine prioritaire pour la réduction des émissions.
L'acier à haute résistance pour construire durablement
Le professeur Dr Md Aminul Islam, de l'université BUET, a présenté une autre piste d'amélioration : l'utilisation d'acier et de béton à plus haute résistance. Selon ses recherches, passer de l'acier de grade 400 à 500 et du béton de 30MPa à 60MPa pourrait réduire le poids structurel des bâtiments de 28 %. Cela se traduit non seulement par une meilleure résilience sismique, mais aussi par une consommation moindre de matériaux, et donc une empreinte carbone réduite.
Les initiatives vertes des industriels
Certains acteurs comme Abul Khair Group ne se contentent pas de moderniser leurs fours. L'entreprise a également mis en place un système de collecte à 100 % des eaux de pluie pour ne pas utiliser les nappes phréatiques et a installé 50 MW de panneaux solaires sur le site de son usine.
Un cadre réglementaire qui freine l'innovation
Malgré la disponibilité de technologies plus performantes, leur adoption à grande échelle est freinée par un obstacle majeur : la réglementation. Le Code national du bâtiment du Bangladesh (BNBC) est au cœur des préoccupations.
Md Nurul Islam, ingénieur en chef de la Rajdhani Unnayan Kartripakkha (Rajuk), a expliqué que même si les entreprises produisent de l'acier de grade 700, le code actuel n'autorise pas l'utilisation de grades supérieurs à 500 dans les projets de construction. "Sans une modification du BNBC, une industrie verte ne sera pas possible", a-t-il affirmé.
Ce sentiment est partagé par les industriels. Sheikh Shabab Ahmed, du groupe Abul Khair, a déploré le manque de soutien politique. "Nous investissons massivement dans des initiatives vertes, mais le gouvernement ne nous soutient pas en mettant à jour ses politiques. Le BNBC doit être modifié pour protéger nos investissements."
"Le raffinement est nécessaire non seulement pour les métaux, mais aussi pour les politiques. Tout comme le raffinage de l'acier augmente sa résistance et sa durabilité, le raffinage des politiques par la clarté, la transparence et la prévisibilité renforce la gouvernance." - Md Moshiur Rahman, Premier Secrétaire (Politique TVA), National Board of Revenue (NBR).
Au-delà du "Greenwashing" : un appel à une action concrète
La conseillère pour l'environnement, Syeda Rizwana Hasan, a vivement critiqué la tendance à se contenter d'une image écologique sans changer les pratiques fondamentales. "Le green branding n'apporte pas une réelle durabilité ; nous devons adopter de véritables pratiques durables", a-t-elle martelé.
Elle a souligné que l'industrie sidérurgique, de par sa forte consommation d'électricité et d'eau, ne pourra jamais atteindre le "zéro carbone". Cependant, des initiatives comme l'utilisation d'acier raffiné, l'énergie solaire et la collecte des eaux de pluie peuvent réduire considérablement son impact.
M Zakir Hossain Khan, directeur général de Change Initiative, a appelé à l'élaboration d'une feuille de route nationale pour rendre l'industrie de l'acier plus propre, plus intelligente et plus sûre d'ici 2030 ou 2035. Il a également insisté sur l'importance future du respect des normes ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance) pour rester compétitif sur le marché international.
Vers un équilibre entre développement et écologie
La discussion a également mis en lumière une préoccupation plus large : la nécessité de repenser le modèle de développement du Bangladesh. Pour Syeda Rizwana Hasan, le pays associe encore trop souvent le développement à la destruction de l'environnement.
"Construire des usines d'acier, de ciment et de briques, mais détruire la base de ressources naturelles qui les soutient. Ce n'est pas du développement, c'est de la destruction", a-t-elle déclaré. Elle a insisté sur le fait que la durabilité ne se limite pas à la viabilité économique ; elle exige le maintien de l'équilibre environnemental pour les générations futures.
Les intervenants ont également soulevé d'autres questions cruciales, telles que la sécurité et la santé des travailleurs, ainsi que la nécessité d'améliorer simultanément la qualité du béton pour qu'elle corresponde aux progrès réalisés dans la production d'acier, garantissant ainsi la stabilité des structures.
Le chemin vers une sidérurgie durable au Bangladesh est complexe. Il nécessite une action coordonnée entre les industriels prêts à investir, un gouvernement capable de moderniser ses lois et une société civile vigilante pour que le développement économique ne se fasse pas au détriment de la planète.





