Une proposition de l'administration Trump visant à mettre fin à l'obligation pour les grands pollueurs de déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre a déclenché une réponse juridique ferme. Une coalition de 15 États, dont Washington et l'Oregon, affirme que cette mesure est illégale et cherche à dissimuler les données sur la pollution climatique.
Le projet, porté par l'Agence de protection de l'environnement (EPA), fait partie d'une initiative plus large de la Maison Blanche visant à démanteler les réglementations environnementales jugées contraignantes pour l'industrie des combustibles fossiles.
Points Clés
- L'administration américaine propose de supprimer le Programme de déclaration des gaz à effet de serre (GHGRP).
- Une coalition de 15 États et de plusieurs grandes villes a déposé une contestation juridique, qualifiant la proposition d'illégale.
- Les responsables gouvernementaux affirment que le programme est un "fardeau bureaucratique" coûtant des centaines de millions de dollars à l'industrie.
- Les opposants soutiennent que cette mesure vise à cacher les actions des plus grands pollueurs et compliquera les efforts climatiques des États.
La proposition controversée de l'EPA
L'Agence de protection de l'environnement des États-Unis a officiellement proposé de mettre un terme au programme fédéral qui oblige les principales industries polluantes à calculer et à divulguer leurs émissions de dioxyde de carbone et d'autres polluants responsables du réchauffement climatique. Cette initiative s'inscrit dans une politique plus vaste visant à "libérer l'énergie américaine" en allégeant les réglementations.
Selon les responsables de l'administration, cette exigence de longue date représente un fardeau financier important et inutile. Ils estiment le coût annuel à 256 millions de dollars pour l'industrie pétrolière et gazière et à 47 millions de dollars pour les autres secteurs industriels concernés.
Un argument économique
Dans un communiqué de presse daté du 12 septembre, l'administrateur de l'EPA, Zeldin, a qualifié le Programme de déclaration des gaz à effet de serre de "pure formalité administrative qui n'améliore en rien la qualité de l'air". Il a ajouté que cela "coûte des milliards de dollars aux entreprises et à l'industrie manufacturière américaines, faisant grimper le coût de la vie".
L'argument central de l'administration repose sur une réinterprétation de la loi sur la qualité de l'air (Clean Air Act). En dépit d'un consensus scientifique écrasant, la Maison Blanche soutient que le changement climatique ne met pas en danger la santé humaine, ce qui, selon elle, priverait le gouvernement de son autorité pour réglementer les gaz à effet de serre.
Une levée de boucliers des États
La proposition a immédiatement provoqué une forte réaction. Une coalition de 15 procureurs généraux d'États, ainsi que les responsables juridiques des villes de Chicago, New York et Washington D.C., ont formellement contesté la légalité de cette démarche. Ils soutiennent que le fait d'ignorer le problème environnemental le plus urgent de notre époque ne le fera pas disparaître.
"La proposition est une tentative flagrante de soustraire à l'examen public les actions des pollueurs climatiques les plus importants des États-Unis", a déclaré la coalition dans une lettre soumise à l'EPA juste avant la date limite pour les commentaires publics.
Chris Reitz, procureur général adjoint de l'État de Washington, a exprimé une opinion similaire. "Ils ne pensent pas qu'il soit nécessaire de réglementer ou de suivre les gaz à effet de serre. C'est un autre pilier majeur de la politique fédérale sur les gaz à effet de serre qu'ils sont en train de démolir", a-t-il affirmé.
Contexte du programme de déclaration
L'EPA exige une forme de déclaration des gaz à effet de serre depuis 1970. Le programme actuel, le Greenhouse Gas Reporting Program (GHGRP), a été lancé en 2010 sous l'administration Obama. Il collecte des données détaillées auprès de milliers d'installations industrielles à travers le pays, fournissant une base de données essentielle pour les scientifiques, les décideurs politiques et le public.
Des conséquences pratiques pour les États et l'industrie
La suppression du programme fédéral ne mettrait pas fin à toute surveillance. Au moins 11 États, dont Washington et l'Oregon, ont leurs propres lois qui exigent des pollueurs qu'ils suivent leurs émissions au niveau local. Cependant, ces États dépendent fortement des outils de collecte de données et de la plateforme développée par le gouvernement fédéral.
Si la proposition de l'EPA est adoptée, les programmes des États se poursuivraient, mais avec des difficultés logistiques et financières accrues.
Un fardeau financier transféré
Les responsables de l'État de Washington estiment que la création d'une plateforme de déclaration de la pollution similaire à celle de l'EPA coûterait à l'État environ 3 millions de dollars sur les trois prochaines années. Pour beaucoup d'États, ces données sont cruciales. Washington, par exemple, les utilise comme base pour son système d'enchères de carbone, qui oblige les grands pollueurs à payer pour leurs émissions.
De manière inattendue, certains représentants de l'industrie s'opposent également à la suppression du programme fédéral. Ils craignent qu'un ensemble disparate de réglementations étatiques ne devienne plus complexe et plus coûteux à gérer qu'un système national unifié.
Ben Kallen, de SEMI, une association de l'industrie des semi-conducteurs, a commenté auprès de l'agence : "L'EPA doit être consciente que le coût pour notre industrie de l'élimination du programme de déclaration sera supérieur à celui de son maintien en raison de l'augmentation spectaculaire des coûts de mise en conformité avec un patchwork d'exigences étatiques."
Une bataille juridique et politique en perspective
La confrontation entre l'administration fédérale et la coalition d'États préfigure une bataille juridique et politique majeure. Les opposants à la proposition s'appuient sur des décennies de preuves scientifiques établissant que les émissions de gaz à effet de serre mettent en danger la santé humaine et les écosystèmes en augmentant la température de la Terre, en intensifiant les vagues de chaleur et en aggravant les sécheresses et les tempêtes.
La suppression du programme de déclaration est perçue par ses détracteurs non pas comme une simple mesure de déréglementation, mais comme une tentative d'affaiblir la base factuelle sur laquelle repose toute politique climatique. La suite de cette affaire dépendra des tribunaux et de l'évolution du paysage politique, mais elle souligne la profonde division du pays sur la manière de répondre à la crise climatique.





