Face à la demande énergétique croissante des centres de données, une nouvelle proposition au Texas vise à accélérer leur connexion au réseau électrique. Le plan, inspiré du modèle utilisé pour les énergies renouvelables, pourrait redéfinir la manière dont les grands consommateurs d'électricité interagissent avec les infrastructures énergétiques de l'État.
Cette initiative, menée par Arushi Sharma Frank, une ancienne de Tesla et conseillère pour Emerald AI, soutenu par Nvidia, propose un système où les data centers accepteraient des interruptions de service en échange d'un accès plus rapide au réseau, une approche qui pourrait influencer les politiques énergétiques à l'échelle nationale.
Points Clés
- Une proposition a été soumise à l'ERCOT (Electric Reliability Council of Texas) pour accélérer la connexion des centres de données au réseau électrique.
- Le modèle, appelé "connect and manage", récompenserait les data centers flexibles capables de réduire leur consommation ou de s'auto-alimenter.
- Cette approche vise à éviter des mises à niveau coûteuses du réseau, dont les frais sont généralement répercutés sur tous les consommateurs.
- La demande énergétique des data centers devient un enjeu politique majeur, comme l'ont montré les récentes élections en Géorgie et au New Jersey.
La demande croissante des centres de données
Le développement de l'intelligence artificielle et des technologies numériques a entraîné une explosion de la demande en électricité. Les centres de données, véritables piliers de cette économie numérique, sont devenus des consommateurs d'énergie si importants qu'ils mettent à rude épreuve les réseaux électriques à travers les États-Unis.
Cette pression est particulièrement forte au Texas, un État connu pour son marché de l'énergie déréglementé et son adoption rapide des énergies renouvelables. Alors que l'État est devenu un leader de la production d'énergie propre, dépassant même la Californie, il s'inquiète des effets de cette nouvelle demande massive sur la stabilité de son réseau.
Le législateur texan a récemment adopté une loi pour examiner de plus près l'industrie des centres de données et établir des protocoles pour réduire leur consommation lors des pics de demande, afin d'éviter les pannes.
Une solution inspirée des énergies renouvelables
La proposition déposée auprès de l'ERCOT par Arushi Sharma Frank s'inspire directement du succès du Texas dans le déploiement de l'énergie solaire et éolienne. Le système "connect and manage" (connecter et gérer) a permis aux nouveaux producteurs d'énergie renouvelable de se raccorder rapidement au réseau sans attendre des études d'impact systémiques longues et coûteuses.
L'idée est d'appliquer ce même principe aux grands consommateurs comme les centres de données. En échange d'une connexion accélérée, ces entreprises accepteraient d'être des "participants flexibles" sur le réseau.
"Cette proposition crée la base d'une connexion et d'une gestion de la charge en utilisant le système existant que l'ERCOT a déjà pour les générateurs et les batteries", a déclaré Arushi Sharma Frank.
Concrètement, un centre de données pourrait être autorisé à démarrer ses opérations plus tôt s'il s'engage à réduire sa consommation d'énergie lorsque le réseau est surchargé, un peu comme un camion poids lourd qui accepterait de quitter l'autoroute en cas de trafic intense pour fluidifier la circulation.
Le délai de connexion au Texas
Grâce au modèle "connect and manage", les projets énergétiques au Texas prennent en moyenne deux ans pour compléter le processus d'interconnexion. Dans de nombreuses autres régions des États-Unis, ce processus peut s'étirer sur plusieurs années en raison d'études d'impact approfondies et des coûts élevés des mises à niveau du réseau.
Les avantages d'un modèle flexible
Le principal avantage de cette approche est d'éviter de faire peser sur l'ensemble des consommateurs le coût des importantes mises à niveau des infrastructures de transmission nécessaires pour accueillir ces nouveaux géants de la consommation.
Actuellement, dans la plupart des réseaux américains, l'arrivée d'un grand consommateur déclenche des études systémiques qui aboutissent souvent à des projets de modernisation coûteux, répercutés sur les factures de tous les clients.
Avec le plan proposé, le risque serait internalisé. Les développeurs de centres de données qui choisissent cette option rapide prendraient le risque de ne pas toujours pouvoir alimenter leurs installations à pleine capacité. En contrepartie, ils pourraient investir dans leurs propres solutions pour garantir une alimentation stable, comme des batteries de stockage ou des générateurs sur site.
Un soutien de poids pour la proposition
La proposition n'est pas isolée. Elle est soutenue par un groupe d'acteurs influents du secteur de l'énergie et de la technologie, notamment Jigar Shah, ancien chef du Loans Program Office, des développeurs d'énergies renouvelables comme Cypress Creek Renewables, et plusieurs entreprises de centres de données.
Agentic Infrastructure, une société qui travaille sur l'alimentation des data centers, a souligné que ce plan permettrait à "l'investissement en capital privé d'alimenter [les centres] avec un service dispatchable avant le calendrier requis pour l'expansion du service réseau ferme".
Cela signifie que les risques liés à la croissance rapide de la charge seraient gérés de manière privée, tandis que les avantages économiques, comme la répartition des coûts fixes sur une base de clients plus large, profiteraient au public.
Qu'est-ce que l'ERCOT ?
L'Electric Reliability Council of Texas (ERCOT) gère le flux d'électricité pour environ 90 % de la charge électrique de l'État. Il s'agit d'un marché largement indépendant de la réglementation fédérale, ce qui lui permet souvent d'innover et de mettre en œuvre de nouvelles règles plus rapidement que d'autres opérateurs de réseau aux États-Unis.
L'énergie au cœur des préoccupations politiques
La question de la demande énergétique et de l'abordabilité des factures n'est plus seulement technique ; elle est devenue un enjeu politique de premier plan. Les récentes élections dans plusieurs États américains en sont la preuve.
En Géorgie, les électeurs ont évincé deux régulateurs républicains de la Public Service Commission, l'organisme qui supervise les services publics. Les candidats démocrates, Alicia Johnson et Peter Hubbard, ont fait campagne sur la promesse de protéger les consommateurs contre la flambée des factures en favorisant les énergies renouvelables. Leur victoire a été qualifiée de "changement sismique" dans le paysage énergétique de l'État.
- Les tarifs de Georgia Power, le plus grand service public de l'État, ont augmenté de 33 % au cours des deux dernières années.
- Cela représente une augmentation d'environ 500 dollars par an pour un ménage moyen.
- Pendant ce temps, Georgia Power a déclaré 4 milliards de dollars de bénéfices l'année dernière.
La frustration des électeurs face à ces augmentations, en partie dues aux dépassements de coûts de nouveaux réacteurs nucléaires, a transformé une élection habituellement discrète en un référendum sur la politique énergétique.
Le cas du New Jersey
Dans le New Jersey, la candidate démocrate au poste de gouverneur, Mikie Sherrill, a remporté une victoire confortable en plaçant la question des coûts de l'électricité au centre de sa campagne. Face à des hausses de tarifs de près de 20 % cet été, elle a promis une mesure forte.
"Le premier jour, je déclarerai l'état d'urgence sur les hausses des services publics. Je gèlerai ces hausses de tarifs pour réduire les factures de votre famille", a-t-elle déclaré lors d'un rassemblement.
Cette approche directe a trouvé un écho auprès des électeurs, qui, selon les sondages de sortie des urnes, considéraient les coûts de l'électricité comme un "problème majeur".
Vers un nouveau paradigme énergétique ?
Ces développements au Texas, en Géorgie et au New Jersey illustrent une tendance de fond : la gestion de l'offre et de la demande d'électricité devient un sujet central pour les citoyens et les décideurs politiques. La proposition texane, si elle est approuvée, pourrait créer un précédent important.
Elle suggère un avenir où les grands consommateurs d'énergie ne sont plus des charges passives sur le réseau, mais des partenaires actifs qui contribuent à sa stabilité. En incitant les centres de données à devenir flexibles, le Texas pourrait non seulement accélérer la croissance de son économie numérique, mais aussi fournir un modèle pour d'autres régions confrontées à des défis similaires.
Si la proposition est adoptée par le conseil d'administration de l'ERCOT, potentiellement dès le début de l'année prochaine, elle pourrait marquer un tournant dans la manière dont les infrastructures énergétiques s'adaptent à l'ère de l'intelligence artificielle.





