Le développement des technologies de captage direct du carbone (DAC) fait face à des défis importants. Une entreprise leader dans ce domaine, Climeworks, a indiqué que la réduction de ses coûts est plus lente que prévu, ce qui soulève des questions sur le rôle de cette technique pour atteindre les objectifs de neutralité carbone.
Le captage direct du carbone, qui consiste à aspirer le dioxyde de carbone de l'atmosphère à l'aide de grands ventilateurs, est considéré par certaines entreprises technologiques et gouvernements comme essentiel pour la transition énergétique. Cependant, les projections de coûts révisées par Climeworks mettent en lumière les difficultés rencontrées par les entreprises pour développer cette technologie à grande échelle et la rendre moins énergivore.
Points Clés
- Climeworks revoit à la hausse ses estimations de coûts pour le captage du carbone.
- Les objectifs de 100 $ par tonne, initialement prévus pour 2023, sont repoussés à 2050.
- L'industrie fait face à des défis liés aux coûts de fonctionnement et aux incertitudes politiques.
- Les investissements dans le secteur du DAC ont diminué en 2024.
- De nouvelles installations majeures, comme Stratos d'Occidental Petroleum, sont attendues en 2025.
Climeworks et l'évolution des projections de coûts
En 2019, Climeworks, une start-up suisse ayant levé plus de 1 milliard de dollars auprès d'investisseurs, avait une ambition claire. L'entreprise prévoyait de réduire ses coûts de captage de 600 $ la tonne à environ 100 $ la tonne en quatre ans. Cette projection visait une compétitivité accrue sur le marché.
Les données récentes montrent un ajustement significatif de ces attentes. Selon des chiffres partagés avec le Financial Times, Climeworks anticipe désormais des coûts de 250 $ à 350 $ la tonne d'ici la fin de la décennie. L'objectif de 100 $ la tonne est reporté à 2050. Ce décalage souligne la complexité inhérente au développement de technologies de pointe.
« Le développement des technologies de pointe n'est jamais linéaire, et notre parcours ne fait pas exception, » a déclaré l'entreprise, soulignant des années de données opérationnelles, de tests et d'itérations.
Facteurs influençant les coûts
Plusieurs éléments contribuent à cette révision des coûts. L'entreprise, comme d'autres acteurs du secteur, a été affectée par une augmentation des coûts de fonctionnement. L'incertitude politique, notamment l'hostilité de l'ancien président américain Donald Trump envers les initiatives climatiques, a également mis en péril le financement gouvernemental. Cette instabilité a soulevé des doutes sur la viabilité des marchés de compensation carbone, essentiels pour le financement et la mise à l'échelle des projets.
Un coût moyen élevé
Une analyse de Bloomberg NEF révèle que les coûts pour l'ensemble de l'industrie sont encore plus élevés. Le coût moyen de captage se situe actuellement à 900 $ la tonne. Il devrait atteindre 487 $ la tonne d'ici la fin de la décennie.
Le rôle du captage direct du carbone dans les objectifs climatiques
L'Agence Internationale de l'Énergie (AIE) estime qu'une extraction annuelle de 1,2 milliard de tonnes de dioxyde de carbone pourrait être nécessaire d'ici 2050. Actuellement, la capacité maximale disponible est d'environ 100 000 tonnes, répartie sur 40 installations dans le monde. Le captage direct du carbone est considéré comme un complément aux techniques conventionnelles de captage et de stockage du carbone. Il permet d'extraire le CO2 déjà présent dans l'atmosphère, et non seulement celui émis au point de source. Cependant, il reste plus coûteux et plus gourmand en énergie.
Certains écologistes critiquent ces techniques. Ils estiment qu'elles détournent l'attention et les investissements de la réduction des émissions à la source. Néanmoins, l'industrie persiste dans ses efforts pour rendre la technologie économiquement viable.
« Il s'agit de réduire les coûts à un niveau où la technologie devient compétitive, » a expliqué Morten Halleraker, vice-président senior pour les nouvelles affaires et investissements chez Equinor, le groupe énergétique norvégien.
Une technologie complémentaire
Le captage direct du carbone (DAC) vise à éliminer le CO2 directement de l'air ambiant. Contrairement au captage de carbone traditionnel qui se concentre sur les émissions industrielles, le DAC peut traiter le dioxyde de carbone existant. Cette caractéristique le rend unique, mais aussi plus complexe et coûteux à mettre en œuvre à grande échelle.
Défis et perspectives de l'industrie
Christoph Gebald, PDG de Climeworks, maintient son optimisme malgré les obstacles. L'entreprise a levé 162 millions de dollars lors de sa dernière levée de fonds en juillet. Il prévoit que des améliorations dans les matériaux et les processus aideront Climeworks à réduire de moitié sa consommation d'énergie, la faisant passer à 1,5 mégawatt-heure. D'autres entreprises, comme Heirloom, ont également dû réduire leurs effectifs face aux incertitudes de financement.
L'année dernière, Climeworks a inauguré Mammoth en Islande. Il s'agit de la plus grande usine de captage et de stockage direct du carbone au monde. Elle a une capacité d'extraction de 36 000 tonnes de CO2 par an. Au cours de ses 13 premiers mois d'exploitation, elle a retiré et stocké 873 tonnes de carbone. Après avoir pris en compte les émissions liées à son cycle de vie, les éliminations nettes s'élèvent à 205 tonnes. L'usine fonctionne comme prévu, mais la mise à l'échelle reste un défi.
Investissements en déclin
Les données de BloombergNEF montrent que l'investissement dans le secteur n'augmente pas assez vite. Le secteur a attiré 1 milliard de dollars en 2024, contre 1,3 milliard en 2023. Au premier trimestre de 2025, les investisseurs ont injecté 11,2 millions de dollars, une baisse significative par rapport aux 52 millions de dollars de l'année précédente.
« Nous devons allouer plus de capital à tout ce qui concerne la décarbonisation, » a déclaré Nick Stansbury, responsable des solutions climatiques chez Legal & General Investment Management.
Les coûts actuels sont bien supérieurs au prix des crédits carbone pour les pollueurs dans les marchés où ils sont légalement tenus de payer leurs émissions. Ils dépassent également les crédits d'impôt offerts par le gouvernement américain.
Le rôle des crédits carbone et les projets futurs
Les projections de coûts de Climeworks pour le captage ne comprennent pas le stockage souterrain du carbone. Cela signifie que les coûts totaux d'élimination du carbone se situeront entre 400 $ et 600 $ la tonne d'ici la fin de la décennie. Ils devraient atteindre 100 $ à 250 $ d'ici 2050. Pour obtenir des fonds, les entreprises vendent des crédits carbone à des sociétés qui souhaitent compenser volontairement leurs émissions. Cependant, les crédits de captage direct de l'air sont généralement plus chers que ceux basés sur la réduction des émissions par la reforestation ou d'autres mesures.
« Il faut un accord de vente de crédits pour que cela fonctionne. La question est de savoir si vous pouvez couvrir les coûts, » a commenté Brendan Cooke, vice-président du captage, de l'utilisation et du stockage du carbone en Amérique du Nord chez Rystad Energy.
Projets d'envergure
Un test majeur pour l'avenir de cette technologie aura lieu cette année. Occidental Petroleum, une entreprise pétrolière et gazière de 42 milliards de dollars, ouvrira Stratos. Cette installation de captage direct de l'air, située dans l'ouest du Texas, sera la deuxième aux États-Unis et deviendra la plus grande au monde. BlackRock, un gestionnaire d'actifs, a promis jusqu'à 550 millions de dollars pour Stratos. L'installation devrait pouvoir capter 500 000 tonnes de dioxyde de carbone par an et commencer ses opérations cette année. De plus, Abu Dhabi National Oil Company a accepté de fournir jusqu'à 500 millions de dollars pour une autre initiative d'Occidental.
« Nous croyons que le captage du carbone, et en particulier le DAC, jouera un rôle essentiel dans l'élaboration du futur paysage énergétique, » a affirmé Vicki Hollub, PDG d'Occidental Petroleum, lors d'une conférence téléphonique en août.
Malgré cet optimisme, certains analystes estiment que l'industrie est encore loin de réduire suffisamment ses coûts pour se développer à grande échelle. Selon Jeffery Jen, analyste senior chez Enverus, une entreprise de données énergétiques, « 100 $ la tonne reste ce chiffre magique. Le DAC est encore loin de l'atteindre. »





